Faites la connaissance de James et Craig, qui sont frères et ont été incarcérés dans des prisons fédérales. James a contracté le VIH. Cette infection aurait pu être prévenue.
LES DROITS HUMAINS S’APPLIQUENT À TOUS ET TOUTES. ON NE PERD PAS CES DROITS À L’ENTRÉE DE LA PRISON. LE GOUVERNEMENT DU CANADA A L’OBLIGATION JURIDIQUE DE PROTÉGER ET DE PROMOUVOIR LA SANTÉ, Y COMPRIS LA SANTÉ DES PERSONNES INCARCÉRÉES – ET CETTE OBLIGATION INCLUT D’APPLIQUER LES MESURES NÉCESSAIRES POUR PRÉVENIR LES INFECTIONS ÉVITABLES, EN PRISON.
En dépit de preuves accablantes au sujet des bienfaits et de l’efficacité des programmes de seringues en prison (PSP) pour prévenir la propagation du VIH et du virus de l’hépatite C (VHC) dans les prisons, cette importante mesure de réduction des méfaits n’est toujours pas accessible à la majorité des détenus du Canada. Pendant de nombreuses années, les autorités pénitentiaires du Canada ont refusé de mettre en œuvre de tels programmes parce que des gouvernements fédéraux successifs n’étaient pas disposés à les soutenir. Après des années de plaidoyer, nous avons décidé de porter cette question devant les tribunaux pour défendre à la fois la santé publique et le droit à la santé des détenus au Canada. Ce procès s’est étendu sur huit ans, et a en fait incité le Service correctionnel du Canada à commencer à mettre en œuvre un « Programme d’échange de seringues en prison » (PÉSP) dans des prisons fédérales. Ce programme est maintenant en processus d’implantation, lentement, et la plupart des détenus n’ont toujours pas accès à du matériel d’injection stérile.
- À propos de l’action en justice
- Pourquoi aller en cour?
- Qui a participé?
- Mise à jour (2020) : Quel a été le résultat?
À propos de l’action en justice
Le 20 septembre 2012, l’ex-détenu Steven Simons, le Réseau juridique canadien VIH/sida, le Réseau d’action et de soutien des prisonniers et prisonnières vivant avec le VIH/sida (PASAN) ainsi que CATIE et le Réseau canadien autochtone du sida (RCAS) ont intenté une action en justice contre le Gouvernement du Canada en raison de son défaut de protéger le droit à la santé des détenus et de prévenir adéquatement la propagation du VIH et du VHC dans les prisons fédérales canadiennes. Épaulée par des témoins experts du Canada et d’autres pays, et fondée sur plusieurs arguments juridiques établis dans le document Pour changer net : argumentaire en faveur de programmes d’échange de seringues en prison au Canada, cette action en justice visait à faire en sorte que les détenus au Canada aient accès à du matériel d’injection stérile – et à établir un précédent juridique qui sera utile, dans d’autres ressorts, à l’accès des détenus aux moyens de prévenir le VIH et le VHC ainsi qu’à d’autres services de santé.
Dans son dossier de preuve, le Réseau juridique a déposé notamment 50 déclarations sous serment et témoignages de personnes actuellement détenues et d’anciens détenus de partout au Canada – des comptes rendus de première main documentant l’usage de drogues et le partage de seringues et d’instruments pour son injection, en prison. Ces perspectives ont offert des preuves tangibles des préjudices qui affectent les détenus lorsqu’ils sont privés de services de santé auxquels les autres citoyens peuvent avoir accès. Une compilation de ces témoignages est présentée dans le document Sous la peau – Témoignages individuels démontrant la nécessité de programmes d’échange de seringues en prison.
Notice of Application to Ontario Superior Court of Justice
Pourquoi aller en cour?
En dépit de plus de 20 années de recherche et de plaidoyer à l’appui des programmes de seringues en prison, les autorités correctionnelles et les gouvernements fédéraux successifs ont continué de résister et de rester aveugles. Plusieurs prisons ont investi d’importantes ressources dans des mesures antidrogues, mais en vain : le taux d’usage de drogues se maintient, alors que les taux de VIH et de VHC derrière les barreaux sont maintes fois supérieurs. Vu l’absence d’engagement de nos dirigeants à agir pour répondre à ce problème pressant, nous avons décidé de porter l’affaire en cour.
Cette poursuite ne concernait pas que la protection de la santé des détenus. Plus de 90 % des détenus, au Canada, retournent éventuellement dans leur communauté après avoir purgé des peines relativement courtes pendant lesquelles certains auront contracté possiblement le VIH ou le virus de l’hépatite C (VHC) en partageant des seringues.
Le coût des PSP est négligeable comparativement aux coûts du traitement d’une personne vivant avec le VIH et/ou le VHC, qui sont estimés respectivement à au moins 29 000 $ pour le VIH, et à entre 45 000 $ et 100 000 $ par patient pour le VHC, selon le traitement. En contexte de contraintes financières croissantes, il serait beaucoup plus rentable de fournir aux détenus des seringues stériles que de traiter des infections à VIH ou à VHC évitables.
Qui a participé?
Le plaignant, Steve Simons, a été incarcéré dans l’Établissement Warkworth de 1998 à 2010, où il a contracté l’hépatite C après qu’un codétenu ait utilisé son matériel d’injection. Repensant à sa période d’incarcération, Simons a expliqué : « Je voulais être impliqué dans cette affaire pour sauver des vies et prévenir la transmission de l’hépatite et du VIH. »
Steve a uni ses forces à celles de quatre organismes – le Réseau juridique canadien VIH/sida, le Réseau d’action et de soutien des prisonniers et prisonnières vivant avec le VIH/sida (PASAN), CATIE et le Réseau autochtone canadien du sida (RCAS).
L’affaire a été plaidée par Lori Stoltz et Jill Evans, de Morris + Stoltz + Evans LLP, et par Adrienne Telford, de Cavalluzzo.
Plusieurs intervenants ont plaidé en faveur de notre cause : Aboriginal Legal Services, l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, l’Association canadienne de santé publique, une coalition de Pivot Legal Society, de Prisoners’ Legal Services et du Vancouver Area Network of Drug Users (VANDU), de même qu’une coalition d’infirmières composée de l’Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario, de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, de l’Association des infirmières et infirmiers autorisés de la Colombie-Britannique et de l’Association canadienne des infirmières et infirmiers en VIH/sida.
Le Réseau juridique a aussi collaboré étroitement avec plusieurs militants, des tenants de la réduction des méfaits et des organismes communautaires, dont les organismes codemandeurs, pour assurer l’implication de la communauté dans ce litige phare.
Quel a été le résultat?
Dans une décision décevante, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a refusé de conclure que le Programme d’échange de seringues en prison (PÉSP) actuellement mis en œuvre par le Service correctionnel du Canada (SCC) viole des droits constitutionnels des détenus en ne respectant pas les « normes professionnelles reconnues ». La cour a déclaré qu’une telle conclusion serait prématurée car le déploiement du programme actuel n’est que partiellement terminé et le programme continue d’évoluer. La décision ne fait rien pour consacrer dans la loi les droits humains des détenus au Canada. C’est une mauvaise nouvelle pour les détenus, mais aussi pour la santé publique.
La capacité des détenus à accéder à du matériel d’injection stérile continue d’être menacée par des politiciens qui sont prêts à ignorer les données probantes et la santé publique en raison de leur opposition idéologique à la réduction des méfaits.
La Cour a reconnu que lorsque nous avons lancé notre affaire, il y a huit ans – lorsque le SCC avait une interdiction complète de la possession de matériel d’injection stérile par les détenus qui utilisent des drogues –, il y avait des « arguments constitutionnels convaincants » en faveur de l’accès à du matériel d’injection stérile en tant que « soin de santé essentiel », que le SCC est légalement tenu de fournir.
Nous sommes fiers de ce que nous avons accompli jusqu’ici par ce procès sans précédent. Notre action en justice a été le catalyseur final qui a conduit le SCC à introduire un PSP. Ce PSP introduit par le SCC, bien qu’il soit imparfait et incomplet dans son déploiement, est le premier du genre en Amérique du Nord. C’est une grande victoire pour la santé en prison et la santé publique au Canada.
Nous continuerons à militer pour que le PSP du Canada soit déployé à l’échelle nationale et soit rendu efficace, accessible et confidentiel.
«Il faut un échange de seringues, dans les prisons. Il y a beau- coup de personnes qui sont incarcérées, qui n'ont jamais pris de drogue avant et qui deviennent toxicomanes en prison. Des personnes deviennent très dépendantes, en dedans...Ils ressortent de prison avec l'infection à VIH ou à hépatite C... S'ils avaient l'échange de seringues en prison, depuis longtemps, beaucoup de vies auraient été sauvées.»